de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mercredi 5 novembre 2014

139- Jonas

Bien qu'il ait fait d'innombrables miracles, les pharisiens de son époque lui demandèrent un signe. Le Christ leur dit alors : Génération mauvaise et adultère qui réclame un signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas donné d'autre que le signe du prophète Jonas. Car tout comme " Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits ", ainsi le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Lors du jugement, Les hommes de Ninive se lèveront avec cette génération et ils la condamneront, car ils se sont convertis à la prédication de Jonas ; et bien ! ici il y a plus que Jonas (Matth. 12, 39-41).

La traduction de la Bible que je cite habituellement, disponible en suivant ce lien, utilise le mot miracle et non le mot signe. Pourtant, le texte grec original emploie ici le mot σημείον, qui signifie signe, et non le mot δύναμις qui signifie miracle. Le miracle, dans ce passage, est que Jonas sorte vivant du poisson qui l'a mangé après trois jours et trois nuits. Le signe revêt la globalité des circonstances. Le mot signe est donc moins limitatif que le mot miracle dans son interprétation et plus proche du texte original, c'est pourquoi je n'utiliserai pas ici la traduction Segond, mais la TOB, qui rejoint en cela la traduction littérale de Maurice Carrez (M. Carrez, Nouveau testament interlinéaire grec/français, Société biblique française, 1993, p. 48 et 55).

Les prêtres qui utilisent ce passage de l’Évangile dans leurs homélies reviennent constamment sur la première partie du commentaire du Christ, à savoir le lien entre Jonas et la résurrection du Christ d'entre les morts, le troisième jour. Pourtant, cette explication des prêtres est incomplet, car le Christ poursuit par : les hommes de Ninive se lèveront au jour du jugement avec cette génération et la condamneront.

Avant d'aller plus loin, il convient de revenir sur l'action de Jonas et les habitants de Ninive. L'histoire se passe à une époque où la promesse du salut s'adresse aux juifs, descendants d'Abraham, bénéficiaires de la bénédiction divine, gardiens de la vrai foi en un Dieu unique révélé par Dieu lui-même. Pourtant, c'est vers les habitants de Ninive que Jonas est envoyé. 

Ninive était une ville du royaume d'Assyrie, sur les bords du Tigre, sur les lieux de l'actuelle Mossoul, très loin  d'Israël et du peuple élu.

Dans les livres bibliques où la plupart des prophètes sont envoyés vers les juifs, comme Élie, Élisée et bien d'autres, pour qu'ils se repentent de leurs fautes et reviennent au culte du vrai Dieu qu'ils ont abandonné, Jonas est envoyé vers une ville n'ayant aucun lien avec l'histoire d'Israël : Ninive. Mais le message qu'il sera chargé de leur délivrer sera le même que celui visant les juifs : repentez-vous, sinon vous serez détruits.

Jonas ne voulut pas y aller et s'enfuit à Tarsis, dans la direction opposée à Ninive. Le bateau qui l'y conduisait essuya une tempête qui menaçait de le faire sombrer. Jonas dit aux marins que la colère de Dieu s'apaiserait lorsqu'ils le jetteraient à la mer. Ce qu'ils firent, non sans avoir demandé à Dieu de leur pardonner ce geste. 

Jonas fut jeté à l'eau, un monstre marin l'avala et il resta trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, avant d'être rejeté sur la terre. C'est cet épisode que le Christ prit en référence.

Jonas accepta alors de se rendre à Ninive pour annoncer la destruction prochaine de la ville. Depuis son roi jusqu'au plus petit enfant, tous les habitants crurent Jonas, renoncèrent à leur mauvaise vie et firent pénitence. Dieu se repentit alors d'avoir songé à détruire Ninive et l'épargna. 

Cela provoqua une violente colère de Jonas, qui avait l'impression d'avoir été pris pour un con à prophétiser un avenir qui ne se réaliserait pas. Mais valait-il mieux que tous fussent détruits et que lui, resté seul, puisse se dire qu'il leur était vraiment supérieur, ou bien que tous fussent épargnés et qu'il se retrouve seul à devoir gérer sa frustration ?

Sur sa colère, Jonas sortit de la ville, et s'assit [...]. L'Éternel Dieu fit croître un ricin, qui s'éleva au-dessus de Jonas, pour donner de l'ombre sur sa tête et pour lui ôter son irritation. Jonas éprouva une grande joie à cause de ce ricin. Mais le lendemain, à l'aurore, Dieu fit venir un ver qui piqua le ricin, et le ricin sécha.  Au lever du soleil, Dieu fit souffler un vent chaud d'orient, et le soleil frappa la tête de Jonas, au point qu'il tomba en défaillance. Il demanda la mort, et dit : La mort m'est préférable à la vie. Dieu dit à Jonas : Fais-tu bien de t'irriter à cause du ricin ? Il répondit : Je fais bien de m'irriter jusqu'à la mort. Et l'Éternel dit : Tu as pitié du ricin qui ne t'a coûté aucune peine et que tu n'as pas fait croître, qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit. Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre ! (Jon 4, 5-11)

Ainsi donc, le signe que le Christ donnait à sa génération était celui d'un monde où le repentir pouvait changer le cœur des hommes, un monde où un cœur purifié pouvait défier Dieu et le pousser à se repentir à son tour. Un monde où toute notion de peuple élu avait disparu et où seule restait la Création faite à l'image de Dieu. Des êtres uniques destinés non à la destruction, mais à la vie. Une histoire du salut qui s'écrivait sous mille formes pour autant de situations différentes. Une histoire où les prophètes ne s'adressaient pas aux Élus, mais à tout homme. Les Élus ne servant alors que de catalyseurs pour apporter des semences de vérité de par le monde. Un monde où l'Élu pouvait tout autant être rejeté de Dieu que le païen, si tant est que ses fautes l'en éloignent. Un monde où le païen pouvait tout autant s'approcher de Dieu que l'Élu, à condition de rester juste dans sa vie et vertueux dans ses actions. Actions qui devaient contribuer à rendre le monde plus beau, et non à le pervertir. Vie terrestre conduisant au salut éternel. 

Et c'est là que prend corps le signe donné par le Christ à sa génération : au jour du jugement, ce sont les habitants de Ninive qui se lèveront avec les justes pour condamner ceux qui pensaient hériter de droit le salut qu'ils refusaient aux autres nations, sans se donner la peine de le mériter.


On peut être porté à voir en Dieu un destructeur. Le prophète Ézéchiel fut en effet envoyé vers le prince de Tyr pour lui annoncer sa destruction (Ez. 28). Il fut envoyé vers Pharaon pour annoncer la destruction de l’Égypte par Nabuchodonosor (Ez. 29). Il prophétisa contre Edom (Ez. 35) et contre le roi Gog (Ez. 38). Mais, au regard de l'histoire de Jonas, Ézéchiel et d'autres prophètes nous montrent que c'est bien dans le but de les sauver toutes que Dieu envoie ses prophètes vers les nations.

2 commentaires:

  1. Une question qui m'est venue et que je n'ai pas eu le temps de creuser dans mes dictionnaires : δύναμις (la puissance) ne signifie-t-il pas la capacité de faire des miracles, θαύμα, qui a donné thaumaturge (celui qui fait des miracles... pas toujours vrais, car plus ou moins associé à charlatan, me semble-t-il), désignant le miracle proprement dit, mais aussi la merveille, le sujet d'étonnement ou d'admiration dans le sens affaibli et banalisé ?

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    1. Le grec du nouveau testament est une sorte de grec classique "simplifié" par les apôtres hébreux (qui parlaient l'araméen et apprenaient le grec) et dont à peu près la moitié étaient philhellènes (ceux qui portent les prénoms grecs).

      Dans le nouveau testament, ils ont utilisé :

      * θαυμάζω dans le sens de "s'étonner" ou d' "admirer" (comme en grec classique),

      * δύναμις pour "miracle", étendant donc le sens que ce mot a en grec classique (puissance, pouvoir, et pouvoirs célestes des Dieux de l'Olympe) aux gestes du Christ : le terme est utilisé par les 3 évangélistes synoptiques Matthieu, Marc et Luc.

      * σημείον pour "miracle" : c'est l'évangéliste Jean qui utilise ce mot-là, et celui-là uniquement, pour désigner le miracle, reprenant l'extension du mot en grec classique qui le fait aller du signe au prodige céleste, divin. Et les passages où on trouve ce mot relatent les même miracles-prodiges-signes d'en haut que les 3 synoptiques.

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