de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

jeudi 26 avril 2012

44- Fresques partie 2

Nous avons vu dans le précédent message un signe qui était adressé aux hommes à travers les fresques d'une église de Macédoine. Comment ces fresques se sont mises à briller le Dimanche des Rameaux (jour de la Pâques catholique en Occident). 

A Lyon, de très nombreuses personnes ont mis leurs moyens en commun pour orner notre église de fresques et la rendre plus belle. L'entreprise a duré plusieurs années. L'iconographe qui fut choisi était une connaissance du père Athanase, ce qui a valu à ce dernier une suspicion de conflit d'intérêt que le père Nicolas a remis au goût du jour. Il est donc intéressant d’approfondir cette question.

Le père Athanase avait effectivement proposé un iconographe, mais c'est le comité de l'époque qui s'était occupé de la négociation des prix et qui avait décidé de l'employer. C'est lui qui avait accepté les devis qui avaient été proposés. Il y avait dans le comité de l'époque le docteur Ladias père et Alice Balaban. Alice a supervisé la réalisation des fresques. J'ai un ami qui en a financé trois, ma mère en a également financé trois, ils ont tous les deux toujours traité avec Alice les questions d'argent. Le père Athanase s'occupait surtout des choix artistiques, notamment d'arbitrer quels saints seraient représentés.

Les premières fresques, celles de la coupole, ont été réalisées environ vers 1985. Je me rappelle avoir aidé l'iconographe a passer le vernis. Les dernières ont été posées en 2003. Les devis proposés au début de la réalisation des fresques n'ont jamais évolué. L'iconographe est resté fidèle aux prix qu'il avait proposés. Il avait consenti des remises car cette église était pour lui une vitrine pour proposer son travail en dehors de la Grèce.

Pour réaliser les fresques de notre église, il a fallu doubler tous les murs de l'église pour les isoler, ce qui a coûté environ 80000 francs. Les prix des fresques dépendaient du nombre de personnages, de leur taille et de la complexité à les réaliser. Par exemple, je crois qu'un personnage en médaillon a été payé environ 2000 francs.

Même si le père Nicolas a déjà évoqué le fait qu'elles auraient été trop chères, le prix était le même que celui pratiqué en Grèce à la même époque, ce qui était déjà un avantage financier pour nous, puisque le niveau de vie en France était supérieur à celui en Grèce. Cela avait été contrôlé, à l'époque, par D. L., membre du comité. Par comparaison, une petite icône de papier collé sur un morceau de contreplaqué, vendue dans une librairie à Lyon, coûtait 200 francs à la même époque.

Aujourd'hui, l'église garde dans sa comptabilité la trace de toutes les factures : celles de la rénovation des murs, celles de l'achat des icônes sur toiles, celles des peintures faites sur place. Il est possible de vérifier à chaque instant si ce dossier a été mal géré. Je rappelle qu'à cette époque le comité se réunissait régulièrement, que ses membres délibéraient avant de prendre leurs décisions, et que celle-ci étaient votées avant d'être exécutées. Il est donc fantaisiste d'affirmer sans creuser la question qu'il y aurait eu mauvaise gestion ; il est tout aussi fantaisiste d'attribuer au père Athanase la responsabilité de ce qui a été fait : il n'a jamais été élu au comité et ne votait pas.

La toile utilisée, la qualité de son collage sur les murs de notre église, le respect des règles iconographiques,  la qualité artistique, font que nos fresques sont semblables à ce qui se fait de mieux en Grèce. Nous avons donc bénéficié d'un travail remarquable pour un prix très avantageux pour la France.

Le même père Nicolas estime que ces fresques sont de très mauvaise qualité, car elles commencent déjà à s'abîmer. Qu'une fresque s'abîme est une conséquence dont la cause peut être multiple. Il n'y a aucune raison de se contenter d'une telle affirmation comme justification à ce problème.

Actuellement, il y a cinq points visibles où la peinture s'écaille dans la coupole de notre église.


Les personnages ont été peints sur toile en Grèce. Les toiles ont été collées sur les murs, puis dorées à la feuille d'or. Il y a eu ensuite l’habillage des couleurs autour des fresques : les fonds bleus et autres entrelacs. Les peintures ont ensuite été vernies.  Les peintures de ces entrelacs ont été achetées chez Vachon. Alice avait conseillé ce fournisseur comme proposant les meilleures peintures à Lyon. Les points qui s'écaillent sont tous sur les entrelacs, et non sur les toiles.

Je ne sais pas s'il y a eu une sous-couche passée sous les peintures. L'absence de sous-couche peut être une cause lorsqu'une peinture s'écaille.

Le monastère Saint Antoine le Grand, dans le Vercors, a couvert son église de fresques. Yaroslav Dobrynine, iconographe russe, a réalisé ce chef d’œuvre. Quelques mois seulement après avoir terminé les premières fresques, le monastère s'est aperçu qu'elles commençaient déjà à s'abîmer. Le père Placide Deseille, supérieur du monastère, a alors sollicité l'entreprise de peinture  qui fournissait les poudres pour faire part du problème et avoir son avis.

Le monastère n'était pas un gros client pour cette entreprise, mais il était prestigieux par le projet qui était entrepris. Elle a donc envoyé un expert pour analyser le problème. L'expert a tout de suite vu que les enduits étaient de bonne qualité, que les peintures n’étaient pas en cause, mais que l'humidité était le problème principal. Le monastère était au fond d'une combe, entouré de falaises, avec un torrent à quelques mètres et peu de soleil. L'église était mal ventilée et pas encore chauffée. Toutes ces choses contribuaient à une dégradation rapide des peintures.



Le père Placide a décidé 4 choses :
- financer la fin de l'installation du chauffage, ce qui a coûté 50000 francs pour les seuls raccordements entre la chaudière et le plancher chauffant de l'église ;
- l'installation de ventaux ouvrant dans les vitraux de la coupole de l'église pour pouvoir réaliser une ventilation entre un point haut et un point bas (l'air chaud est plus léger, donc il monte et, dans le même temps, il se gorge plus facilement d'humidité, d'où des points de condensation que l'on trouve plus naturellement en hauteur) ;
- l'installation d'un déshumidificateur d'air qui fonctionnait en permanence en dehors des offices ;
- la vitrification des fresques.

Aujourd'hui, la vallée est toujours aussi humide, mais les fresques ne se sont plus abîmées depuis plus de quinze ans qu'elles sont terminées.



A Lyon, ouvrir les vitraux de la coupole aurait été trop onéreux à l'époque où le projet des fresques a débuté. Les murs ont donc été doublés par un isolant, afin de protéger les peintures des contrastes thermiques avec l'extérieur.

Alors quand j'entends que le père Nicolas Kakavelakis critique le père Athanase parce que nos fresques sont vraiment de mauvaise qualité et s'abîment, je compare cette affirmation à ce que j'ai déjà vécu au monastère du père Placide et je me dis que non seulement il est dans l'erreur à cause d'un raisonnement simpliste, mais qu'il ne voit pas qu'il est peut être lui-même à l'origine de la dégradation des fresques en ayant cessé de chauffer l'église régulièrement, et en ne la ventilant plus tous les jours comme le père Athanase le faisait.



Pour ce qui est du conflit d'intérêt entre le père Athanase et l'iconographe, il est utile de préciser que le père Athanase a financé avec son argent personnel la réalisation d'une partie des fresques. Au moins celle de Saint Athanase le Grand qui est autour de l'autel, dans le sanctuaire. S'il avait voulu récupérer une commission en faisant travailler un ami, il n'aurait pas mis de sa poche l'argent qui manquait pour la réalisation des fresques.

Je trouve vraiment dommage d'avoir à justifier des évidences. 

mardi 24 avril 2012

43- Fresques partie 1

Le Monde est un journal qui a la réputation d'être plutôt à gauche sur l'échiquier politique. Malgré ce positionnement politique que beaucoup de journaux ont (sauf de rares exemples comme Le Canard Enchaîné qui garde un regard critique indépendant), leurs articles sont réputés sérieux.
 
Le 9 avril dernier, jour de la Pâques catholique (dimanche des Rameaux en Macédoine et dans l’Église orthodoxe en général), Le Monde a fait état d'un miracle en Macédoine. Les fresques d'une église se sont mises à se nettoyer et à briller sous les yeux des fidèles. Le correspondant de l'AFP (Agence France Presse), dépêché sur place, a constaté ce phénomène.

Sur la photo publiée dans Le Monde, ou sur cette vidéo, ou encore sur ce blog des Grecs de Marseille qui reprennent une vidéo de la télévision macédonienne, nous voyons des vêtements de saints briller comme s'ils étaient dorés à l'or. Traditionnellement, les vêtements, les ailes des anges, les livres saints portés par les apôtres ou les coussins qui portent la tête de la Mère de Dieu ne sont pas dorés à l'or. Ce sont surtout les auréoles des saints qui sont dorées sur les icônes ou bien sur les fresques. Or, sur les documents qui nous sont parvenus, il y a de très nombreuses parties des fresques qui se mettent à briller.




Ce qui m'a amusé, ce sont les commentaires postés sur cet article du Monde. Par exemple : Pendant que des gens se font tuer en Syrie, Dieu n'a rien d'autre à foutre que de nettoyer des fresques ?

Il est vrai qu'il n'a pas que cela à faire, puisque le Christ nous dit que le Père céleste [...] nourrit les oiseaux du ciel (Matth. 6, 26), ou encore qu'il revêt les lis des champs (Matth. 6, 30). Donc je réponds clairement : non, Dieu n'a pas que ça à faire que de nettoyer des fresques, puisqu'il a plein de petits oiseaux à s'occuper. Et pourtant il semble qu'il ait pris un peu de temps pour ces fresques.

Le Christ précise : si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs [...], ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison (Matth. 6, 30) ? Par contre, s'occuper de nous ne signifie pas qu'il nous ôte la liberté dans les choix que nous faisons. Sans la liberté que nous avons, rien de ce que nous faisons n'a de sens. Comment donc allier cette volonté de vouloir pour nous le meilleur, tout en nous laissant la liberté de rejeter le mal pour choisir le bien (Es. 7, 15-16) ? Un moyen efficace est que les hommes puissent trouver des guides pour leurs vies, des exemples qui leur permettent d'affronter les épreuves qu'ils traversent, mais sans jamais leur imposer de suivre ces guides.

L'exemple de ces fresques est certes exceptionnel, mais il y a des signes adressés aux hommes à chaque instant. J'en citerai d'autres tout aussi extraordinaires, tout aussi vérifiables, contemporains, quand je parlerai de la Géorgie, dans quelques messages.

S'il y a des gens qui meurent en Syrie, faut-il tuer tous les meurtriers, ce qui ferait de nous de nouveaux meurtriers qui mériteraient à leur tour de mourir ? Ou bien faut-il montrer à ceux qui tuent où se trouve la beauté pour qu'ils se repentent de leurs crimes et choisissent à leur tour de faire de belles choses ?

Un luthier ne savait pas quoi penser de cette beauté éphémère face à toute la violence et la mort qu'il y a dans le monde. J'ai essayé de lui expliquer que lui a choisi de faire de belles choses. Il fabrique des instruments qui servent à donner de la musique et que, ce faisant, c'est de la beauté, de la paix, de l'harmonie qu'il porte aux hommes. Est-ce qu'il doit détruire cette beauté et son travail au motif que d'autres préfèrent tuer ou faire souffrir ? Est-ce qu'il doit la mépriser au motif qu'elle n'est qu'une goutte d'eau dans un océan de douleurs ? Non seulement il ne doit pas arrêter ce qu'il fait ni le mépriser, mais le mal que d'autres choisissent de commettre donne encore plus de valeur à ce que lui a choisi de faire.
 
L'homme a des yeux pour voir et un cœur pour comprendre ce qui est juste. Il lui appartient de les utiliser dans sa recherche de la vérité pour qu'à son tour il contribue à rendre le monde plus beau, et non pas à le détruire.

mercredi 18 avril 2012

42- Eva Joly

Eva Joly est incontestablement le personnage le plus atypique de cette campagne électorale. Tous les autres ont des programmes différents qu'ils essayent de vendre, chacun à sa manière. Eva Joly ne cherche pas à vendre. Elle sait que parler avec sincérité lui nuit, mais c'est son honneur de préférer rester fidèle à ses convictions : la fin ne  justifie  pas  les  moyens.  Quand  Nicolas  Sarkozy,  mis  devant  ses  contradictions,  répond : vous n'allez tout de même pas me reprocher de vouloir gagner ?, elle préfère toujours rester sincère.

On dit que ce que les écologistes ont le mieux réussi à recycler, ce sont les anciens communistes. Ce qui vaut à ce parti le qualificatif de pastèque : vert dehors et rouge dedans. Vu la vitesse à laquelle ce parti s'est vidé au profit de Mélenchon, il semble que le recyclage n'ait pas vraiment réussit. Je ne peux cependant que constater que leurs militants ont choisi pour les représenter la personne la plus intègre de toute la scène politique. Si intègre que l'on se demande comment elle a réussi à arriver à ce niveau. Peut-être la crainte de son ancien métier a-t-elle freiné ses détracteurs potentiels. Rares sont en effet les politiques qui gardent un bon souvenir de leurs rencontres avec des juges.

Pour moi Eva Joly est l'image de ce que doit être un politique : une exemplarité de vie qui permette de faire accepter au peuple les mesures difficiles lorsque celles-ci s'avèrent nécessaires. Le manque d'intégrité des politiques est un facteur important de la création des corporatismes et des individualismes : pourquoi regarder l'intérêt collectif et croire les appels au sursaut national lorsque les élites sont les premières corrompues ? 

En Belgique, cette exemplarité est incarnée par le roi Albert II. Il est indispensable qu'un pays ait ce genre de référence. Il est impossible de prendre des décisions qui conviennent à tous. Comment les faire accepter par ceux qui n'en veulent pas ? Il n'y a que deux solutions : l'autoritarisme ou l'esprit civique. L'autoritarisme engendre des frustrations et des révoltes. L'esprit civique n'est possible qu'à condition que les élites soient des exemples dont on soit fier.

Malgré cette intégrité, il y a de nombreux points qui suscitent, chez Eva Joly et les Verts en général, la réprobation des Églises : la fin de vie assistée, la légalisation du cannabis et autres atteintes à la conscience religieuse. Ces problèmes sont anciens. On les retrouve déjà dans l'Ancien Testament, quand Dieu ordonne de ne pas tuer avec les dix commandements, et quand David élargit son royaume à coup de campagnes militaires sanglantes.

Bien que n'étant pas le seul, cet exemple est frappant car il nous met face à des contradictions : la morale qui s'oppose à la dure réalité ! Si le judaïsme appliquait à la lettre les commandements divins, aucune guerre et aucun assassinat ne pourrait se concevoir de la part d'Israël. Chaque mort intervient en opposition avec la volonté divine ; c'est à cause de ce sang qu'il avait sur les mains que David, tout prophète qu'il était, n'a pas eu le droit de construire le Temple de Jérusalem. David a réuni les matériaux pour la construction du Temple, mais c'est son fils Salomon, un roi de paix, qui a été jugé digne de sa construction.

Du temps du Christ, la même question était toujours d'actualité. Jean Baptiste prêchait le respect des commandements de Dieu et des soldats sont allé le voir en demandant : Et nous, que devons-nous faire ? (Lc 3, 14). Certaines traductions bien-pensantes placent dans la bouche de Jean-Baptiste cette réponse  : Ne faites ni violence ni tort à personne (traduction œcuménique de la Bible, TOB), ce qui reviendrait à leur dire de ne plus être soldats. Le texte original de l’Évangile dit : Μηδένα διασείσητε μηδὲ συκοφαντήσητε, καὶ ἀρκεῖσθε τοῖς ὀψωνίοις ὑμῶν. Cela se traduit plus littéralement par : Ne commettez ni extorsion, ni fraude envers personne, mais contentez-vous de votre solde (Bible Segond).

Jean Baptiste, qui était très rigoureux envers l'application de la Loi, n'a pas condamné le métier de soldat, mais leur a demandé de rester justes dans ce qu'ils faisaient. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui encore, l’Église a des aumôniers auprès des armées, des prêtres qui les entourent et les bénissent.

Cette notion de " mal nécessaire " se retrouve souvent dans la vie civile des sociétés. Lorsque l'empereur Constantin prit le pouvoir, on dit qu'il autorisa le christianisme. C'est partiellement vrai. En fait, avec l'édit de Milan, en 313, il autorisa la liberté de culte, dont les chrétiens furent parmi les bénéficiaires : il autorise ce en quoi il croit, le favorise, mais ne détruit pas le reste pour l'imposer.

Aujourd'hui encore, les États occidentaux sont confrontés à une culture et une histoire chrétiennes qui s'expriment lors des élections, mais qui ne forment pas l'unanimité de la population. Des questions de société sont nombreuses : le mariage homosexuel, l'euthanasie des vieux (plus joliment appelée fin de vie assistée), l'avortement, la libéralisation de certaines drogues...

Beaucoup d'hommes politiques se placent dans un courant bien-pensant. Ils affichent la morale du plus grand nombre, afin d'essayer de conserver leur pouvoir, bien que souvent ils ne croient pas dans ce qu'ils prêchent. Eva Joly a le grand mérite de dire ce qui lui semble juste. C'est ainsi qu'elle s'est prononcée pour la fin de vie assistée, sous un cadre très stricte qu'elle développe longuement ici.

Je suis personnellement contre une telle pratique. Mais est-ce qu'être contre veut dire que je dois l'imposer aux autres ? Rien n'a de sens sans la liberté et Dieu laisse une liberté  absolue  aux  hommes.  Dois-je  prendre  aux autres  cette  liberté  que  Dieu  leur  laisse ? Dois-je leur interdire ce qu'il ne m'interdit pas à moi ? Je ne parle évidemment que du cas théorique, et non des crimes de médecins et autres dérives qui sont indissociables de telles évolutions de la société.

De la même façon que l’Église demande de ne pas tuer, mais qu'elle accepte et bénit des armées qui tuent, il est légitime que les hommes politiques abordent ces sujets de société. Personnellement, ça me fait mal d'entendre que quelqu'un veut mourir. Je me demande quelle souffrance il doit supporter pour en arriver à un tel désir. Si un jour je rencontre quelqu'un qui en est là dans sa vie, j'espère pouvoir lui donner l'amour et la compassion qui mettra fin à sa détresse et lui redonnera goût à la vie.

Finalement, je trouve qu'Eva Joly est dans son rôle en abordant ces sujets. C'est l’Église qui ne l'est pas lorsqu'elle veut imposer à tous sa propre vision du monde. Au lieu d'imposer des règles dont elle-même ne comprend parfois plus le sens, elle devrait rendre présent l'amour absolu du Christ. Quelqu'un qui trouve un réconfort dans sa vie ne désire pas la mort. Que quelqu'un en arrive à désirer la mort est un échec pour ce que doit rendre présent l’Église ; et interdire à quelqu'un de vouloir mourir ne suffit pas à masquer cet échec.

Pour revenir à un exemple concret, cet amour que doit rendre présent l’Église est un peu celui qui se dégage dans le film Intouchables. L'abbé Pierre disait à ce propos que l’Église devrait moins prêcher l'amour et plus le faire...
 
Ces quelques réflexions inspirées de la campagne électorale s'achèvent. Je suis sûr que, quoi qu'en disent les sondages, presque tout le monde sait depuis longtemps pour qui il va voter. Mais le savoir ne dispense pas de garder les yeux ouverts pour rester objectif et cohérent avec nos idéaux.

lundi 16 avril 2012

41- Nicolas Sarkozy

Il y a beaucoup de phrases mystérieuses dans l’Évangile. L'une d'elle est adressée par le Christ à un jeune homme riche (Matth. 19, 16-26). Alors qu'il pratique tous les commandements de Dieu et que son salut semble assuré, ce jeune homme demande ce qu'il doit faire de plus. On considère que c'est lui le véritable inventeur du travailler plus pour gagner plus. Le Christ lui dit alors de vendre tous ses biens pour les donner aux pauvres et de le suivre. Le jeune homme s'attriste de cette réponse et s'en va. Le Christ dit alors : " Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux. " Du coup, il a été le premier à expérimenter le travailler plus pour gagner moins.

Ce pauvre jeune homme était tranquille à respecter consciencieusement tout ce que la Loi lui demandait. Il allait être sauvé à coup sûr. Et voilà qu'il pose la question qu'il ne fallait pas. Au lieu de trouver ça dommage qu'il ne suive pas son conseil, mais finalement on s'en fout parce qu'il fait tout le reste, le Christ dit qu'il est quasiment impossible à un riche d'entrer dans le Royaume. Alors pourquoi avoir posé les dix commandements si on s'en fout parce que ça ne suffit pas ?

Les commandements, comme toute la Loi d'ailleurs, ne sont pas une finalité en eux-mêmes, suivant cette parole : le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat (Mc 2, 27). Les commandements ne servent qu'à une chose : guider l'homme pour le ramener vers Dieu, source de vie.

En hébreu,  le tétragramme qui désigne Dieu s'écrit יהוה (YHWH). Ce tétragramme restera pour Le désigner dans toutes les Écritures. C'est avec ces lettres que s'écrit Je suis Celui qui suis (Ex. 3, 14). Le mot Ève, הוּח (HWWH), est un des nombreux mots construits à partir du tétragramme divin. Il signifie la mère de la vie, ou la vivante (Gen. 3, 20). Il ne s'agit pas d'un nom, comme chacun de nous peut en porter un, mais d'un verbe ; Dieu ne s'appelle pas, Il est dans l'action, Il crée, Il donne la vie.

A partir de l’Évangile, c'est avec ces mêmes mots que le Christ révèle à la Samaritaine qu'il est Dieu : Je Suis, moi qui te parle, Ἐγώ εὶμι, ὁ λαλῶν σοι (Jn 4, 26). Ἐγώ εὶμι est l'équivalent grec du tétragramme divin.

Les Pères de l’Église orthodoxe s'inscrivent parfaitement dans cette continuité. Ils ont toujours considéré que si Dieu donne la vie, alors s'éloigner de lui conduit inexorablement à la mort. La mort est alors perçue comme le signe de l'éloignement de Dieu (Maxime le Confesseur, Centuries sur la charité, II, 93, PG 90, 425).

Dans ce chemin qui conduit à Dieu, l'homme n'a pas d'autres solutions que de se laisser pénétrer par cet amour divin. Saint Silouane le résume par ces mots : Celui qui a connu l'amour de Dieu aime le monde entier (archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du Mont-Athos, Éd. Présence, 1973, p. 268).

Dorothée de Gaza exhortait ses moines par ces mots : Supposez un cercle tracé sur la terre, c'est-à-dire une ligne tirée en rond avec un compas, et un centre. Imaginez que ce cercle, c'est le monde ; le centre, Dieu ; et les rayons, les différentes voies ou manières de vivre des hommes. Quand les Saints, désirant approcher de Dieu, marchent vers le milieu du cercle, dans la mesure où ils pénètrent à l'intérieur, ils se rapprochent les uns des autres ; et plus ils se rapprochent les uns des autres, plus ils s'approchent de Dieu. Et vous comprenez qu'il en est de même en sens inverse, quand on se détourne de Dieu pour se retirer vers l'extérieur : il est évident alors que plus on s'éloigne de Dieu, plus on s'éloigne les uns des autres, et que plus on s'éloigne les uns des autres, plus on s'éloigne aussi de Dieu.

Le problème de l'argent mis en avant avec le jeune homme riche, c'est qu'il a une forte propension à dessécher le cœur, ce qui contribue à replier l'homme sur lui-même et donc à l'éloigner de Dieu. Ce que le Christ a voulu donner à cet homme c'est la possibilité de garder son cœur pur pour que tous les efforts qu'il faisait puissent porter des fruits et ne finissent pas desséchés par l'aridité du manque d'amour.

Le communisme né du marxisme a été un asservissement du peuple par une minorité, la dictature du prolétariat revendiquée comme étape nécessaire par Karl Marx. N'est-ce pas la même chose que les mouvements de citoyens reprochent aujourd'hui aux banques, véritables gouvernants des pays capitalistes ?

Pourquoi critiquer Vladimir Poutine qui fait arrêter des manifestants, alors que nous, pays capitalistes, procédons exactement de la même manière ? Si l'on suit ces deux liens, dans quel pays les journaux disent-ils qu'il y a eu le plus d'arrestations ? Dans lequel les photos montrent-elles les policiers les plus violents ?

De la même façon qu'on ne peut pas définir un gentil et un méchant entre Staline et Hitler, on ne peut pas considérer que le capitalisme ou le communisme sont en phase avec la chrétienté. Seule la liberté que l'on peut trouver dans une idéologie peut permettre à l'homme de vivre sa foi. Lorsque le système pousse des peuples à chercher dans les poubelles la nourriture pour leurs enfants, alors  l'homme peut prendre la mesure des illusions portées par ce système.

Les politiques sont nombreux à nous promettre le lait et le miel, et au moment de nous le donner, ils préfèrent finalement le garder pour eux, même s'ils sont incapables de le consommer. Tel Sarkozy qui a fait passer son salaire, aussitôt élu, de 101 488 € à 240 000 € nets annuels, hors avantages. Le capitaine du Concordia est poursuivi pour abandon de navire car, en droit international, un capitaine doit abandonner son navire après s'être assuré que tous les passagers sont évacués. En politique, la déontologie veut que l'on se serve en dernier car on s'est mis au service du peuple.
 
C'est sur la base de ce raisonnement que le salaire du Président de la République a toujours été, en France, très bas et même bien inférieur à celui du premier ministre. Bien sûr qu'il y a du travail à être président, mais c'est un manque d'éthique et une perte de vue de ce qu'est vraiment cette mission qui a poussé Sarkozy à prendre d'abord pour lui. Nous demandons à nos soldats d'être prêts à sacrifier leur vie sur des champs de bataille et nos politiques trouveraient injuste qu'on leur demande de montrer l'exemple sur les renoncements que nécessite le service de leur pays ? Pourquoi un soldat devrait-il sacrifier sa vie, si le politique qui lui donne les ordres ne sacrifie rien ?

Quoi qu'il en soit, le poste de Président de la République mérite le respect. Si l'on en croit les sondages, c'est donc respectueusement que la France va donner au Président  ce qu'il a demandé. N'a-t-il pas critiqué la FFF lorsqu'elle gardait Domenech qu'il considérait comme un loseur en disant : c'est le symbole de la France : tout part de travers, mais on ne change pas ! ?

Je n'arrive pas à retrouver l'auteur de la citation : " pour être de droite quand on est jeune, il ne faut pas avoir de cœur. Pour être de gauche quand on est vieux, il ne faut pas avoir de tête. " Je crois que c'est un président américain, mais je n'en suis pas sûr. Cette citation est amusante mais elle s'appuie sur une vision de l'homme qui est fausse ; elle oppose le cœur et l'esprit, alors que les spirituels orthodoxes considèrent que l'homme ne trouve sa plénitude que s'il parvient à faire descendre l'intellect dans le cœur afin que le cœur puisse transfigurer l'action de l'homme. Un homme qui fonctionne uniquement avec sa tête n'a ni compassion ni amour dont la racine est ancrée dans le cœur. Comment un tel homme pourrait-il œuvrer au bien-être de ses concitoyens ?

vendredi 13 avril 2012

40- François Hollande

Nous avons vu, dans le message précédent, que Soljenitsyne voit en Marine Le Pen un rempart contre le stalinisme qui s'apprête à déferler sur l'Europe au travers de François Hollande.

L'entreprise Lyonnaise des Eaux a compris qu'en évoluant dans son activité, elle devait évoluer dans son nom, qui s'est transformé en Véolia, nom qui ne veut rien dire mais qui sonne bien et qui sert de fourre-tout pour racheter des secteurs entiers de l'économie. Les socialistes, essentiellement français, n'ont jamais compris qu'ils devaient changer de nom pour suivre la conscience des peuples et l'évolution de l'Histoire.

Même Chirac a compris que le RPR qu'il avait fondé, corrompu et gangrené, devait évoluer avec l'activité judiciaire ; il l'a transformé en UMP. UMP qui deviendra immanquablement un jour, au rythme des scandales judiciaires qui vont croissants, une formation toute neuve, avec un nouveau sigle, une nouvelle virginité judiciaire et médiatique, mais les mêmes personnes.

Soljenitsyne n'attaque pas les sociaux-démocrates allemands, mutation de leurs socialistes locaux, mais bien les socialistes français, qui n'ont jamais évolué dans la conscience collective. Martine Aubry a pris la suite de Jacques Delors, son père, comme Kim Jong Un a pris la suite de Kim Jong Il. Kim Jong Un est aussi respecté dans son pays que Martine Aubry l'est dans le nôtre. Elle est aussi respectée hors de son pays que Kim Jong Un l'est hors du sien. Même si la droite se sent attirée par ce mode de succession, la prise de contrôle ratée de la direction du centre d'affaires de La Défense par Jean Sarkozy montre tout de même un manque d'expérience en la matière.

Comment, après les crimes de Staline, se dire socialiste ? C'est par ces mots que nous interpelle Soljenitsyne. Mais comment également, après les crimes des papes de Rome se dire chrétien ? Il n'y a pas plus de points communs entre le pape et un chrétien, qu'entre Staline et un socialiste français. Si une idéologie doit être abolie lorsque des crimes sont commis au nom de cette idéologie, il faut abolir l'islam, le judaïsme, le christianisme, le marxisme, le capitalisme, ceux qui s'inspirent de la révolution française et presque tous les courants de pensée de part le monde. Alexandre Men dit à ce propos : Le chrétien [...] considère les actes inhumains commis par des chrétiens du passé et du présent - les exécutions d'hérétiques, etc. - comme une trahison de l'esprit évangélique qui, de fait, place leurs auteurs en dehors de l’Église (Lc 9, 51-55). (Alexandre Men, Le christianisme ne fait que commencer, éd. Cerf, Paris, 2004, p. 39).

Alors pourquoi cette assimilation de Soljenitsyne ? Il faut reprendre la doctrine du socialisme pour savoir qui s'en rapproche le plus, tout comme il faut reprendre l’Évangile pour savoir qui le vit le mieux. Car c'est bien à notre manière de mettre en pratique les idéaux desquels nous nous revendiquons que nous voyons qui nous servons.

Lorsque le Christ s'éleva dans les cieux, lors de l'Ascension, les apôtres se réunirent et attendirent la venue de l'Esprit-Saint que le Christ avait annoncée. Le mode de vie qu'ils mirent alors en place était une vie communautaire. Les disciples qui voulaient les rejoindre leur donnaient l'ensemble de leurs biens qu'ils utilisaient pour le service des pauvres et des malades. Ananias et sa femme Saphira furent maudits pour avoir seulement voulu donner l'apparence qu'ils se joignaient aux disciples : rien ne les obligeait à donner pour suivre les disciples, alors pourquoi vouloir seulement donner l'apparence de le faire et mentir (Act. 5, 1-11) ?

Après l'époque des persécutions et l'arrivée de Constantin à la tête de l'Empire, l'idéal chrétien ne pouvait plus être le martyr. Ceux qui voulaient vivre pleinement pour Dieu devaient donc trouver une autre forme de consécration. C'est à cette époque que sont apparus les premiers moines dans le désert d’Égypte. Très vite, ces ermites se sont réunis dans des monastères. Ce qui leur a semblé représenter au mieux l'idéal qu'ils recherchaient était la vie commune des premiers disciples à Jérusalem.

Le communisme est, appliqué à l'échelle d'un pays, ce mode de vie communautaire où personne ne possède rien en propre et où l'intérêt commun prime sur les autres considérations. Mais de la même façon qu'Ananias ne pouvait décider de partager ce mode de vie uniquement en apparence, ce mode de vie  ne peut s'imposer. Au même titre que tout ce que nous faisons, il ne trouve son sens que dans la liberté que nous avons de le suivre ou non. Et l'imposer aux autres devient un acte contre nature qui ne peut produire que de mauvais fruits.

Je distingue le communisme du marxisme. Le communisme est un mode de vie où les moyens sont mis en commun. Le marxisme est lui un système de pensée qui s'inspire du matérialisme français du XVIIIème siècle. Comme tout matérialisme, l'idéal marxiste est un nihilisme car il exclut toute forme de religiosité au profit de la seule matière environnante et immédiate ; le marxisme affirme que Dieu est mort. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment un penseur peut croire que l'on peut associer matérialisme et vie commune : la vie commune implique nécessairement un renoncement qui est à l'opposé de la recherche du bien-être matérialiste.

Je n'essaie pas de montrer ici que le socialisme français est une bonne chose. Comme pour tous les courants de pensée, et comme je l'ai déjà relevé dans le message précédent, c'est l'intégrité des hommes au pouvoir qui fera qu'il portera de bons ou de mauvais fruits. Quand on voit Strauss-Kahn ou Jack Lang, on peut légitimement douter que le système des socialistes français soit capable de produire un dirigeant qui n'ait à cœur que l'intérêt de la population et qui la fasse passer avant ses intérêts propres.

Je mettrai toutefois une nuance en dissociant Nathalie Perrin-Gilbert de cette généralité. Maire du premier arrondissement de Lyon, suppléante de Pierre-Alain Muet, député, et chargée des questions du logement au sein du PS, elle a toujours vu l'intérêt de la population dont elle avait la charge avant son intérêt propre. Elle a eu a subir de très fortes pressions de Gérard Collomb pour avoir préféré suivre ses convictions politiques plutôt que les petits arrangements qui permettent à Collomb d'entrer dans la catégorie des barons locaux. C'est ainsi que Gérard Collomb a obtenu qu'elle ne soit pas candidate sur les listes des régionales, et qu'il va faire tout ce qu'il peut, aux prochaines législatives, pour torpiller sa nomination comme candidate du PS et suppléante de Philippe Meyrieux.

Si les hommes intègres n'étaient pas marginalisés par leurs partis, il y en aurait certainement beaucoup d'autres qui seraient à même de proposer des solutions à leurs peuples. J'ai beaucoup d'admiration pour Hugo Chavez, Evo Morales, Christina Kirchner ou encore Lula. Ces pays ont des visions de l'économie parfois très différentes, mais ce qui les caractérise, c'est d'aborder l'économie avec un autre regard. Les États-Unis ne les aiment pas toujours, car ils s'affranchissent parfois du système monétaire international et du pouvoir des grands groupes financiers, ou du moins prennent leurs distances avec une certaine vision du monde véhiculée par les pouvoirs financiers. Mais il y a une chose qui me frappe dans ces pays : leurs dirigeants sont aimés de leur peuple. Lula a terminé son second mandat de président avec un taux de popularité de 87 %. Qui peut dire ça aujourd'hui dans le monde ?

Leurs détracteurs disent que Chavez ou Morales sont la résurgence du communisme. Je n'ai pas le souvenir de dirigeants communistes qui aient été aimés comme eux le sont. On peut considérer que Sarkozy est bon dans ce qu'il fait, ou bien qu'il est mauvais, mais combien l'aiment ? Comment donc ces dirigeants d'Amérique Latine font-ils pour se faire aimer ? Je crois que la première chose, c'est qu'ils considèrent qu'ils sont au service de leur peuple, et surtout qu'ils le mettent en pratique. Il y a certainement des choses qui ne vont pas chez eux, mais ils ont su redonner de l'espoir en montrant qu'il est possible de changer le monde, ce que nos dirigeants ne savent pas faire.

J'ai le sentiment que c'est dans cette optique que se place Jean-Luc Mélenchon, et c'est tout ce qui fait l'intérêt de sa candidature.

J'espère que ces dirigeants d'Amérique du Sud ne se laisseront pas corrompre par le côté obscur du pouvoir et de l'argent. Ben Ali ou Moubarak auraient pu entrer dans l'Histoire par la grande porte si, à un moment, ils n'avaient perdu de vue leurs idéaux pour chercher à s'accaparer les richesses de leur pays, laissant leur peuple dans la misère.

mercredi 11 avril 2012

39- Le Pen

Quelqu'un m'a fait la remarque, il y a quelques jours, que ce blog est une sorte de microcosme du monde grec. On y trouve des intrigants qui essayent de prendre le pouvoir et qui, dès qu'ils l'ont, renient ceux qui leur ont confié ce pouvoir pour chercher à en avoir un autre plus grand (voir les modifications des statuts et ceux qui les ont signées). On y trouve des opportunistes qui essayent de jouer avec les idéaux du peuple pour faire leur trou. On y trouve des personnes qui rêvent d'un monde idéal, sans conflits, mais qui confondent sans conflit et sans action ; et en oubliant qu'ils doivent agir, ils oublient également que le monde est tel que nous le construisons chaque jour. On y trouve tout ce qui fait que quelques riches et influents personnages en Grèce ont ruiné leur pays sans se soucier de tous ceux qui aujourd'hui meurent de faim. Saint Kosmas d'Étolie disait de telles personnes : Certains Grecs parmi les riches possédants gouvernent les villages et sont au service des Turcs. Ceux-là torturent les chrétiens bien plus que les Turcs, et excitent les chrétiens à apostasier.
 
Cette réflexion débutera par un article du très respectable Alexandre Soljenitsyne paru dans Le Point le 24 mars 2012. Soljenitsyne est mondialement connu comme dissident du régime stalinien. Au même titre que des millions d'autres Russes, il a souffert de ce régime. Il a eu plus de chance que beaucoup d'autres car il a survécu et est aujourd'hui un témoin incomparable de cette période.

Soljenitsyne, dans cet article, appelle à voter pour Marine Le Pen, au nom de l'opposition au stalinisme, qu'il associe toujours à toutes les formes de socialisme. Je parlerai du socialisme dans un autre message sur ces réflexions de campagne électorale, et me concentrerai davantage aujourd'hui sur Marine Le Pen. 

Son discours nationaliste est plaisant. Elle n'oublie jamais de dissocier l'histoire de France de sa culture chrétienne. Son programme électoral présente des points intéressants. Sa volonté de sortir de l'euro, afin que nous puissions de nouveau contrôler notre politique monétaire, au même titre que le fait avec beaucoup de réussite la Suède, est objectif. Mais une chose me chiffonne dans l'analyse de Soljenitsyne. Pourquoi associer François Hollande à Staline, et ne pas associer Le Pen à Hitler ?

Le capitalisme à outrance qui a ruiné la Grèce et les Grecs et les conduit à la mort est-il un modèle préférable à celui du communisme ? Peut-on hiérarchiser Staline et Hitler entre un gentil et un méchant ? N'y a-t-il pas que des méchants ? De telles associations peuvent-elles être autre chose que des raccourcis simplistes ? Je crois que l'analyse de Soljenitsyne vient du fait qu'il a vécu et subi le communisme et que, dans sa philanthropie, c'est de ce traumatisme qu'il connaît qu'il veut préserver l'ensemble des hommes.

Pourtant, je crois qu'il ne faut jamais perdre de vue une chose : ce n'est pas l'idéologie affichée qu'il faut suivre, mais bien l'intégrité de celui qui parle au nom de cette idéologie. Alors regardons Le Pen. Au même titre que Soljenitsyne a parlé dans Le Point de Marine Le Pen, Le Monde a également parlé de son père le 24 mars, bien que ce soit en des termes moins élogieux.

Le journal nous raconte comment, durant la guerre d'Algérie, un enfant a vu son père se faire torturer et exécuter par des soldats français, comment cet enfant a caché une ceinture et un couteau que les soldats avaient oubliés, comment a agi le système judiciaire de l'époque pour étouffer le récit des témoins et protéger les soldats, comment cet enfant a vu gravé sur le couteau qui a servi à torturer son père : J. M. Le Pen 1er REP, comment ce couteau a été présenté à la justice dans une procédure en mai 2003.

Mon père a été sous-officier durant la guerre d'Algérie et a été décoré pour des faits de bravoure. Je publierai un jour le journal qu'il a tenu au jour le jour durant cette guerre. Je connais plusieurs personnes, dans la communauté grecque de Lyon, qui ont servi la France à cette époque. Il est bien évident que la grande majorité des soldats étaient exemplaires. La distinction se faisait plus entre les légionnaires qui passaient avant dans certaines missions et les appelés du contingent. Mais j'attire l'attention sur le fait que ceux qui ont eu un comportement de barbares indignes de leur uniforme ne peuvent aujourd'hui être regardés comme des exemples dans lesquels nous placerions nos espoirs d'un monde meilleur.

A quoi aurait servi le Christ si son discours avait été différent de ses actes ? A rien, si ce n'est à nous montrer à ce moment-là qu'il aurait été un imposteur. De la même façon, je veux bien voter pour Marine Le Pen si mon idéal est un nationalisme, car son discours et ses actes sont du nationalisme, mais je serai en décalage complet avec mes idéaux si je vote pour elle à cause des valeurs chrétiennes dont elle se revendique parfois. Il n'y a pas plus de liens entre le nationalisme religieux et le christianisme, qu'entre le sionisme et le judaïsme.

Il y a en France, en Grèce, et dans de très nombreux pays, une aversion (souvent non dite) pour les peuples arabes, les Turcs, et autres musulmans, bien qu'en réalité une part non négligeable de ces peuples ne soit pas musulmane. Cette aversion vient bien évidemment des guerres et invasions, mais pas seulement. Les croisés ont pris Constantinople et l'ont pillée avec une sauvagerie sans nom, et pourtant il y a aujourd'hui de cordiales relations entre nos élites religieuses et politiques, ce qui n'est pas le cas avec les musulmans. Cette aversion vient de la durée de ces occupations subies, des antagonismes religieux, des circonstances politiques...

Pourtant, l'idéal religieux du christianisme est un monde où Dieu est tout en tous, où il n'y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres (Gal. 3, 28). Un monde de bisounours, comme le dit Marine Le Pen ? Bien que l'allusion aux bisounours ne soit qu'une caricature sémantique, elle ne doit pas perdre de vue que le monde est tel que nous le construisons. On dit que le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, et que le communisme, c'est l'inverse ! N'y a-t-il pas un système politique qui sorte de cette fatalité ? Quel que soit le système auquel nous nous référons, seul ce qu'en font les hommes qui contrôlent le pouvoir peut faire que le système porte de bons ou de mauvais fruits.
 
Le réseau Voltaire, très bien informé des informations du Proche et du Moyen-Orient, a montré comment Robert Gates, secrétaire d’État à la Défense, avait réussi, en 2007, à mettre en place un plan de sortie de crise avec l'Iran et comment Georges W. Bush et Dick Cheney, ses responsables d'alors, ont saboté son plan pour favoriser des entreprises d'armement dans lesquelles ils avaient des participations, au détriment des intérêts de leur pays. Il est possible de construire de belles choses mais, bien souvent, les ennemis des bisounours ne sont pas les méchants des autres pays. Ils sont au milieu de nous.

C'est saint Paul qui conclura ce message, par ce qui sont certainement les plus belles paroles qu'il a écrites : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert de rien. (I Cor. 13). Marine Le Pen, dans la continuité de son père, reprend des thèmes qui semblent importants aux chrétiens, mais elle en exclut tout amour et toute charité, ce qui vide de son sens ces mêmes thèmes.

lundi 9 avril 2012

38- Espoir de paix

Je tiens ce qui suit de la bouche du général Georges Amine Jbeily, dont le fils est membre de ce blog et qui pourra me contredire si je me trompe. Le général Jbeily a fait vingt ans de guerres et a été le bras droit de Michel Aoun jusqu'à ce que les Syriens prennent le Liban. Il est mort en exil en France en 2005 après avoir échappé à plusieurs tentatives d'assassinat dans son pays. Il venait souvent dans la paroisse pour voir le père Athanase en qui il avait une parfaite confiance. C'est là qu'il a tenu à marier son fils et à baptiser ses petits-enfants. Ce qui suit est un hommage à la paix qu'il cherchait au-delà de la simple signature d'un traité.

Dans les années 60-70, il y eut beaucoup de coups d’État. Ces coups d'État visèrent des monarchies proches des États-Unis. La série commença en Égypte, en 1952, lorsque Nasser renversa le roi Farouk. Puis il y eut l'Irak, en 1958, lorsque Saddam Hussein pris le pouvoir. Il y eut le Yemen, en 1967. Puis la Libye, en 1969, lorsque Kadhafi renversa la dynastie al-Sanussi. Et enfin la Syrie, en 1970, lorsque Hafez el-Assad renversa Noureddine al-Atassi.

Le cas de la Tunisie, où Ben Ali prit le pouvoir en 1987, est différent. Il suit davantage l'évolution politique des pays comme le Maroc ou l'Algérie.

Le point commun de tous ces coups d'État était la mise en place de régimes forts et laïcs, destinés à contrer la montée des frères musulmans et l'islam intégriste. Il s'agissait toujours de jeunes officiers ouverts au monde et sympathisants de l'Union Soviétique. Par exemple, Hafez el-Assad fit une partie de ses études militaires au sein de l'Armée Rouge. 

Pour réussir, un coup d’État doit avoir le soutien d'une puissance extérieure forte. Les Américains soutenant les monarchies qui étaient au pouvoir, il était logique, à l'époque de la guerre froide, que l'Union Soviétique apporte son soutien à ces révolutions. Mais l'Union Soviétique, d'idéologie marxiste, ne pouvait pas implanter le communisme dans ces pays pour une raison simple : l'islam. Le marxisme affirme que Dieu est mort. Va expliquer ça à un musulman ! Jamais les populations n'auraient suivi. Ce furent donc des régimes militaires qui furent implantés. Ils ne commencèrent à chanceler qu'à partir de l'année dernière.

Parler d'islam radical est une expression assez mauvaise. Dans le christianisme, il y a 1200 mouvements protestants qui ne se reconnaissent pas tous entre eux, dont certains sont inscrits au rang de sectes ; il y a les catholiques romains avec différents courants intégristes ou progressistes, qui ne communient pas entre eux pour certains, il y a les Églises orthodoxes, une partie des russes hors-frontières qui n'a pas accepté de se réunir au patriarcat de Moscou, les anciens calendaristes grecs, les maronites, etc... 

Dans l'islam, même s'il y a moins de courants, on trouve néanmoins les sunnites, les chiites, les kharidjistes des alaouites, les druzes et beaucoup d'autres. Dans chacun de ces mouvements, il y a des tendances et des cultures différentes. Pour ce qui est de la culture, les Iraniens sont des Perses et n'ont rien à voir avec les arabes de nombreux pays. Ils ne sont chiites que depuis le XVIème siècle. Les Turcs également ne sont pas arabes. Pour les courants religieux, il y a les derviches tourneurs, les soufis, les salafistes, les frères musulmans et bien d'autres. Il ne s'agit pas de partis politiques, comme on le voit dans les élections en Égypte, mais de courants religieux au sein de l'islam qui essayent d'exister sur le plan politique.

L'amalgame des musulmans fait par Marine Le Pen, dans la continuité de son père, s'adresse à des ignorants. On ne peut pas plus dire " les musulmans " que dire " les chrétiens ". Pour un orthodoxe du Mont-Athos, le pape de Rome est l'incarnation de l'Antéchrist, celui qui voudrait que l'on reconnaisse son autorité avant de reconnaître celle de Dieu ; celui qui a imposé au fil des siècles que l'on ne pouvait pas faire partie de l’Église si l'on ne se prosternait pas devant lui d'abord en reconnaissant son autorité ; celui qui a placé son trône à la place du trône de Dieu. L'idée que cet orthodoxe puisse être assimilé à un catholique n'est pas concevable.

Ces jeunes militaires, après leurs coups d’États, ont ciblé les radicaux. Ils les ont emprisonnés pour qu'ils ne détruisent pas la société. Ce qui n’empêchait pas chaque courant religieux d'être respecté au sein de la société. On a parfois reproché à Kadhafi, ou Moubarak, des atteintes aux droits de l'homme, de faire des prisonniers politiques avec des responsables religieux ; pour ce qui est des islamistes, ils ont fait ce que Sarkozy fait aujourd'hui : ils ont mis en prison ceux qu'ils considéraient comme pouvant gangrener l'équilibre de la société civile. C'est du moins ce qu'était leur motivation initiale.

Ce fondamentalisme musulman monta néanmoins en puissance, avec la bienveillance des États-Unis qui avaient perdu une partie de leur influence sur les pays en question. Il culmina avec l'assassinat d'Anouar el-Sadat, en 1981. Il n'était pas prévu que Moubarak prenne la succession du pouvoir. Moubarak était dans la tribune, aux côtés d'el-Sadat, lorsque le commando abattit ce dernier. Moubarak aurait dû mourir avec lui pour sortir l’Égypte de l'influence militaire. Il se remit cependant de ses blessures et dirigea l’Égypte d'une main de fer. Les Américains finirent par s’accommoder de lui moyennant une aide financière et le respect de la paix avec Israël.

L'autre point culminant fut l'assassinat de Bashir Gemayel, en 1982, au Liban. Ces deux assassinat marquent une intrusion de la religion dans la société politique de pays multi-ethniques et multi-religieux.

En Israël, il n'y a pas que des juifs, mais aussi des chrétiens et des musulmans. Tout comme en Palestine il n'y a pas que des musulmans. Mais pour asseoir l'idée qu'Israël devait être un État uniquement juif, les sionistes avaient besoin de montrer qu'une cohabitation confessionnelle était impossible. Pour cela, les pays autour ne devaient pas montrer qu'il était possible de vivre ensemble. Les sionistes visent donc, depuis des décennies, à diviser le Liban pour mettre en évidence que la cohabitation n'est pas possible. Ils avaient ensuite prévu d'en extraire les chrétiens pour faire du Liban un pays musulman. Aidés en cela par les Américains, ils avaient préparé un plan pour envoyer les chrétiens au Canada, en Europe et en Amérique : la transplantation leur était offerte. Ils n'avaient qu'à dire où ils voulaient aller.

C'est exactement ce qui arrive en ce moment en Syrie et qui est condamné par le Patriarche Ignace IV d'Antioche.

Soleimane Frangié, président du Liban, s'opposa à cette vision. Il prononça un discours à l'ONU le 22 septembre 1974. Pour être plus précis, c'est lui qui fit venir Yasser Arafat à l'ONU et qui introduisit le discours d'Arafat devant l'assemblée. L'initiative de Frangié a été l'équivalent d'une déclaration de guerre pour les États-Unis : un chrétien demandait à un musulman de venir plaider sa cause ; un chrétien disait à un musulman qu'ils pouvaient vivre ensemble. " Ce que nous faisons au Liban, il n'y a pas de raison que ça ne puisse pas se faire en Palestine. " Par Palestine, il entendait également l'intégralité du territoire d'Israël que les États arabes ne reconnaissaient pas ; une grande Palestine où tout le monde vive en paix.

Les USA ont tout fait pour empêcher le discours de Frangié. Lorsque son avion a atterri en Amérique, et alors qu'il était chef d’État et bénéficiait de l'immunité diplomatique, il fut brutalisé et traité comme un criminel. Son avion fut fouillé par le FBI et la DEA comme s'ils cherchaient de la drogue. On lui fit comprendre après cette fouille brutale qu'il pouvait considérer cela comme une humiliation de son peuple et un casus belli (cas de guerre). Il pouvait utiliser ce casus belli pour rentrer dans son pays, critiquer les États-Unis, ne pas faire son discours à l'ONU et pouvoir se justifier ainsi face aux arabes. Frangié refusa, accepta l'humiliation et fit son discours dans lequel il prôna un seul État où tous puissent vivre en paix. 

Kissinger, qui était présent à l'ONU, est devenu furieux. Il a pris une carte, a fait une croix sur le Liban, et a dit : " Si les chrétiens libanais ne veulent pas se sauver eux-mêmes, on ne les sauvera pas nous. " Le Liban était alors un État sur le plan diplomatique, mais pas un État dans la conscience collective. Chacun se considérait comme membre de sa communauté avant de se considérer comme Libanais. Ce discours était visionnaire, mais il a été facile d'organiser la division du peuple. Un an plus tard, après le 13 avril 1975, on faisait remarquer à Frangié que son pays était en guerre et on lui demandait où était son discours. La fille de Frangié a relaté certaines de ces oppositions avec Kissinger.

Les guerres ont ravagé le Liban, mais les Libanais ont toujours refusé cette partition. Leur constitution accorde des postes du pouvoir prédéfinis en fonction des confessions religieuses. Le but est de créer une situation dans laquelle tout le monde a besoin de tout le monde pour fonctionner. Hassan Nasrallah revendique constamment l'unité du Liban, et c'est pour cela que le Hezbollah fait figure d'exemple dans la population libanaise ; au point qu'ils ont remporté les dernières élections.

Il y a quelques jours encore, le Conseil Œcuménique des Églises, en France, condamnait les sionistes pour leurs persécutions contre les chrétiens palestiniens, mettant en avant que ce ne sont pas les musulmans qui sont les ennemis de cette communauté qui est la plus ancienne communauté chrétienne au monde.
 
Aujourd'hui, dans toutes les révolutions qui ont lieu en Afrique et au Moyen-Orient, les changements de régime visent les pays qui furent sous influence soviétique. Nous n'entendons presque pas parler des pays qui sont toujours restés sous influence américaine, comme les révoltes qui ont lieu à Barhein, ou en Arabie Saoudite, et dont la répression est d'une extrême violence.

Il ressort de tout ceci que le modèle politique viable est clairement celui du Liban : un pacte non écrit qui partage les pouvoirs, des minorités qui existent dans la représentation politique, et une tolérance où quelqu'un qui va provoquer une autre communauté va se faire tuer, non pas par la communauté attaquée, mais par la sienne. C'est l'antiracisme prôné par Olivier Besancenot, mais avec une application réaliste qui vient de toutes les guerres qu'ils ont traversées.
 
Dieu peut avoir toutes les richesses qu'il désire puisqu'il est Créateur de toutes choses ; il peut avoir tous les serviteurs qu'il lui suffit de créer en un instant. Et pourtant, il y a une seule chose qu'il ne peut pas avoir par lui-même et que l'homme est à même de lui donner, ou tout au moins de partager avec lui : l'amour. L'amour ne trouve son sens que dans la liberté que l'on a de le donner et de l'accepter. Le chrétien, qui est porteur de la vérité de l’Évangile, se doit de montrer l'exemple. Sinon il sera lui aussi dans l'erreur. Il ne crée pas les révolutions, mais il se doit de protéger ses enfants. Il peut vivre sous n'importe quel régime politique, mais il défendra la liberté sans laquelle il ne peut rien donner à Dieu. Il s'inscrira dans la vie sociale, mais il ne perdra jamais de vue que son espérance est dans la Jérusalem céleste suivant cette parole : soyez dans le monde, mais ne soyez pas du monde (Jn 17, 14-18).

Ceux qui s'intéressent à ces questions peuvent approfondir avec les liens suivant :
http://www.andreversailleediteur.com/upload/args/yasserarafatnovembre.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nationalisme_arabe
http://www.universalis.fr/encyclopedie/israel/3-institutions-et-vie-politique/

samedi 7 avril 2012

37- Révolutions

Si l'on comprend que les hommes politiques essayent de se faire bien voir des courants religieux, qui regroupent énormément d'électeurs, on comprend moins que les religieux essayent de s'accaparer la politique pour asseoir leur influence. En effet, au moins dans le christianisme, la foi s'est transmise par l'exemple que donnaient les chrétiens, de la même façon que les bouddhistes le font : sans prosélytisme. Je ne parle pas des catholiques romains qui, au regard de l'Orthodoxie, se sont coupés de l’Église et de l'Esprit qui la vivifie. Leurs actions ont poussé à d'innombrables conflits et à des phrases mémorables telle : Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. Je ne sais pas s'il y a eu beaucoup d'hommes aussi loin de Dieu que l'abbé qui prononça cette phrase. En tout cas, il ne devait pas avoir lu cette parole : Ce que vous avez fait au plus petit d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. (Matth. 25, 40)

Beaucoup plus proche de nous, Benoît XVI a récemment rendu hommage à monseigneur Stepinac, lors de son voyage en Croatie. Alors que le père Placide Deseille était encore moine cistercien et qu'il célébrait avec le rituel byzantin, il avait un ossement de monseigneur Stepinac cousu dans l'antimansion (nappe consacrée posée sur l'autel sur laquelle on célèbre la liturgie). Quand il a étudié la vie de monseigneur Stepinac et qu'il s'est aperçu de tout le sang qu'il avait sur les mains, notamment de tous les orthodoxes serbes qui avaient fini en camps de concentration et étaient morts à cause de lui, il a brûlé cet ossement, estimant que sa place était dans les flammes, et non sur l'autel. Rendre hommage à cet évêque qui a été béatifié par les catholiques est aussi aberrant que s'il décidait de canoniser Marc Dutroux. Et le présenter comme le défenseur des orthodoxes et des opprimés relève de l'indécence. Je renvoie, pour plus de détails, vers le livre d'Hervé Laurière, Assassins au nom de Dieu, éd. La Vigie, Paris, 1951, réédité par L'Âge d'Homme, Lausanne, 1993 avec une photo de Stepinac en couverture.

D'une façon générale, tous les nationalismes religieux se ressemblent : le sionisme qui axe son espérance dans le matériel et le temporel, l'islamisme qui veut imposer la charia à tous, le catholicisme romain dont le Vatican reste le dernier vestige d'un état étendu et autoritaire, et dont les nonces apostoliques, plus grand corps diplomatique au monde, intriguent plus à asseoir leur pouvoir qu'à propager les valeurs de l’Évangile...

Tous n'ont pas la même vision de Dieu, donc ne justifient pas leur politique de la même façon, mais, pour ce qui est des chrétiens, ils oublient parfois que le Christ aurait pu avoir tous les royaumes de la terre lorsque Satan l'a tenté dans le désert (Matth. 4, 5-7). Mais il ne les a pas pris. Le serviteur n'est pas plus grand que le maître (Jn 15, 20), et le chrétien ne peut pas prendre ce que le Christ a laissé. Il doit s'attacher à la seule chose importante : n'adorer que Dieu et ne servir que lui, dans la vision du Royaume qu'il nous a préparé. 

Ces derniers jours, avec la tuerie de Toulouse, la question du danger de l'islamisme a été récurrente. J'ai vu Sarkozy, Guéant et Juppé inviter à ne pas faire d'amalgame, mais se positionner radicalement contre l'extrémisme musulman. Quand Nicolas Sarkozy s'est battu pour faire libérer les infirmières bulgares, il y a un homme qui l'en a empêché : le président de la cour d'appel de Tripoli, qui a confirmé par deux fois la peine de mort des infirmières. Ce président était Moustafa Abdel Jalil. Or celui qui nous a alors été présenté comme un intégriste et l'un des pires ennemis de l'Occident est précisément le chef du Conseil National de Transition de Libye, que le même Nicolas Sarkozy a aidé à prendre le pouvoir en envoyant notre porte-avion et nos soldats bombarder la Libye.

Le gentil Abdel Jalil, que l'on mettait à la place du méchant Kadafi après avoir ravagé son pays et créé une guerre civile qui se poursuit, a proclamé, lors de sa toute première prise de parole de l'après-Kadafi, que ce serait désormais la charia qui serait en vigueur en Libye ; la même charia que l'on dénonce en Iran depuis Khomeini. Le gentil Abdel Jalil qui se plaignait que le méchant Kadafi le bombardait avec ses avions pour demander à l'ONU d'intervenir, prend maintenant les mêmes avions pour bombarder les tribus du sud qui lui résistent ! Le drame de Toulouse nous a montré comment l'islamisme peut frapper chez nous ? Alors que l'on se rappelle que c'est nous qui le mettons en place.

Cela nous ramène directement à ce qui se passe en Syrie. Nous voyons le Patriarche Ignace IV accuser l'Occident et notamment la France de vouloir vider le pays de ses chrétiens. Nous le voyons s'opposer à toute intervention étrangère dans son pays. Et pourtant il n'est pas écouté. L'ambassadeur français à Damas a critiqué la politique d'Alain Juppé, accusé de ne pas avoir tenu compte des rapports qu'il lui envoyait pour privilégier un interventionnisme injustifié, ce qui aurait conduit à l'arrestation de soldats français en territoire syrien

Avec un régime autoritaire, Bachar El Assad, président de la Syrie, tient son pays où les minorités sont respectées. Lui-même étant issu de la minorité Alaouite. C'est cette protection et cet équilibre dans lequel tous les courants peuvent exister qui a poussé le Patriarche Ignace IV à condamner l'interventionnisme de l'Otan. Tous les pays ont peur de la paix que les Américains ont apportée en Irak et en Afghanistan. Et l'exemple qui leur est donné par la Libye ne fait que renforcer cette crainte. Les Syriens sont exsangues financièrement, comme les journaux le disent parfois ? Ils le seront beaucoup plus si leur pays est détruit par les bombes et qu'ils se retrouvent sous le joug des salafistes et autres sunnites radicaux.

Moubarak était corrompu, mais la révolution égyptienne a-t-elle changé quelque chose ? L'armée est pour l'instant toujours au pouvoir, les minorités qui ont fait la révolution viennent de se retirer de la commission constituante de la nouvelle constitution, au motif qu'elle est noyautée par les islamistes et qu'il n'y a aucun espoir pour que cette future constitution représente vraiment le peuple égyptien dans sa diversité. Les musulmans tuent les chrétiens, comme sous Moubarak. Vingt-quatre chrétiens sont morts, tués par l'armée, lors d'une manifestation où ils dénonçaient les exactions de plus en plus nombreuses contre eux.

Malgré ce qui se passait, ce sont les Américains qui ont aidé Moubarak à se maintenir en place, notamment avec une aide financière extrêmement importante depuis que l’Égypte avait signé la paix avec Israël. Ils gardaient à l'esprit ce diction du Moyen-Orient sans lequel on ne peut comprendre aucun des conflits de ces quarante dernières années : " Il n'y a pas de paix sans l’Égypte, et pas de guerre sans la Syrie. " 

Si Dieu voulait que la croyance en lui soit imposée à tout le monde, il ne fait aucun doute qu'il serait assez fort pour le faire lui-même, puisqu'il est Dieu. Si donc il ne le fait pas, c'est qu'il ne le veut pas. Doit-on se mettre à sa place pour imposer la croyance en lui et lui faire comprendre qu'il a tort en étant trop laxiste ? Un musulman peut-il tuer au nom de Dieu et invoquer dans ses prières Allah le miséricordieux ? Un chrétien peut-il partir en croisade au nom de l'amour des ennemis qu'il prêche ?

Le seul nationalisme qui trouve sa légitimité même en étant adossé à des valeurs religieuses est celui des Tibétains. Ils ne vont pas tuer les autres pour montrer leur mécontentement, mais ils vont se sacrifier eux-mêmes. Ils n'en veulent jamais à ceux qui quittent leur religion et n'essayent pas d'asservir ceux qui ne pensent pas comme eux. Il est légitime pour une seule raison, totalement indépendante de ce que chacun peut penser : il n'y a pas de contradiction entre leur philosophie religieuse, leurs revendications et leurs modes d'actions.

mercredi 4 avril 2012

36- Désir de liberté

On dit que l'histoire est un perpétuel recommencement. La connaître nous montre donc à la fois ce qui s'est passé et ce qui nous attend. Même si les thèmes de nos campagnes électorales sont très axés sur nous-mêmes (travail, pouvoir d'achat, immigration...) et, par extension, sur notre relation avec l'Europe, il n'est pas possible de comprendre la politique sans la géopolitique et sans l'histoire. 

Il y a des règles immuables qui ont été fixées dès l'origine. Parmi ces règles, il y en a une qui veut que rien n'a de sens si on en soustrait la liberté. C'est par la liberté que s'opère la distinction entre les anges et les démons. C'est elle qui fait les hommes justes et les tyrans. Si on enlève la liberté, il n'y a plus ni bien ni mal, simplement des êtres programmés, livrés à leurs instincts.

Vouloir ôter la liberté aux autres est quelque chose de fondamentalement contre nature car le désir de liberté est inscrit au plus profond de nous. Et c'est là que se fait le partage entre l'autorité que l'on peut accepter, et celle qui nous pousse à nous révolter. Le Christ ne s'est jamais révolté contre l'occupant romain, car celui-ci laissait aux juifs, et plus généralement à chaque peuple, le droit de suivre ses coutumes comme il l'entendait, n'ayant pas la prétention de formater les esprits par l'imposition d'une pensée unique.

Cette liberté est la marque de la Grèce. Si tous les peuples se battent pour leur liberté, les Grecs en ont fait leur symbole à travers leur hymne national qui se traduit par :
Je te reconnais au tranchant de ton glaive redoutable,
Je te reconnais à ce regard rapide dont tu mesures la terre,
Sortie des ossements sacrés des hellènes,
Et forte de ton antique énergie,
Je te salue, je te salue, ô liberté !
 
C'est au nom de cette liberté que se révoltent les Tibétains contre les Chinois, que se sont révoltés les Grecs contre les Turcs, et tant d'autres peuples à travers les âges. Aujourd'hui encore, alors que le grand mufti d'Arabie Saoudite (dont nous Français soutenons politiquement le régime, aux côtés des Américains), vient d'appeler à détruire toutes les églises. Cette oppression que vivent des minorités ne peut que créer le ferment de révoltes à venir.

L'empire romain n'était qu'une succession d'invasions, tout comme l'empire d'Alexandre le Grand. Mais ces empires ont laissé aux peuples occupés leur liberté de pensée, et les ont aidés à se développer. C'est grâce à cette paix durable qu'ils n'ont jamais été égalés par leur puissance. D'où cet adage que l'on apprend dans les écoles militaires : " Qui veut la guerre prépare la paix " (et non l'inverse).

On présente souvent les Américains comme les gendarmes du monde ; comme les initiateurs d'un nouvel ordre mondial dont ils ont inscrit la devise sur leurs billets de banque (texte en latin sous la pyramide de la franc-maçonnerie). Mais ce qui leur manque, quand ils envahissent un pays, c'est qu'ils n'arrivent pas à construire cette paix qui a fait la force des grands empires. Ils disent avoir voulu libérer l'Irak de Saddam Hussein, mais le résultat a été que l'espérance de vie a chuté, les meurtres des minorités religieuses, comme les chrétiens, sont devenus monnaie courante. Les chrétiens sont passés de 800 000 sous Saddam, à 250 000 aujourd'hui. La population, toutes confessions confondues, est décimée. C'est cette paix que les Américains n'ont pas réussi à construire en Irak et en Afghanistan. Et cet échec les a transformés de libérateurs (c'est du moins l'image qu'ils essayaient de faire passer), en force d'occupation haïe.

Un autre point est essentiel pour comprendre ce qui pousse un peuple à se soulever, c'est la mort des innocents, manifestée par celle des enfants. C'est à ce titre que Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, a déploré la mort des enfants de Toulouse, comme elle a déploré la mort des enfants palestiniens sous les bombes des avions Israéliens et tous les enfants qui meurent dans le monde. Il n'y aura jamais de paix tant que des enfants mourront. Car un père qui voit ses enfants mourir ne peut rien faire d'autre que mourir lui aussi en cherchant à tuer ceux qui ont vidé l'amour qu'il avait dans son cœur pour y mettre l'abîme de la douleur et du néant qui ne pourra plus le quitter. Peu lui importe qu'il soit traité de terroriste ou de kamikaze : il va tuer ceux qui lui auront pris ses enfants.

Israël a bien compris le désastre pour lui, en termes d'image internationale, de ces morts d'enfants. C'est pour cela qu'ils se sont attaqués à ce point à Charles Enderlin lorsqu'il a montré la mort d'un enfant filmée en direct, son père essayant en vain de le protéger de son corps. Les attaques contre lui ont été nombreuses, verbales et judiciaires, mais ont conduit à établir la véracité de son reportage. Ce qui a donné lieu à de vives controverses au sein du CRIJF : son président d'honneur s'étant révolté contre la vindicte de cette institution envers un journaliste parfaitement objectif.

Malgré leur soif de liberté, les chrétiens ont traversé toutes les persécutions sans jamais se soulever contre leurs oppresseurs. Or, ils l'ont fait contre les Turcs. Le vol de leurs enfants y a grandement contribué. Les turcs prenaient chaque année plusieurs milliers de garçons entre 10 et 15 ans parmi les peuples chrétiens occupés. Ils les élevaient dans l'islam et en faisaient leurs fantassins dans leurs armées. Si les peuples voulaient se soulever, ils savaient que ce seraient leurs enfants qui seraient envoyés pour les combattre, et que ce seraient leurs enfants qu'ils devraient tuer, ou qui les tueraient. Cette milice spéciale s'appelait les Janissaires. Cette pratique a grandement contribué à aliéner les populations contre leurs occupants.

Dieu dit, dans l'Exode : Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère (Ex. 34, 26). C'est pour être sûr que cela n'arrive pas que les Juifs ne font pas de sauce au lait. Si utiliser le lait maternel, source de vie, pour faire cuire le petit d'un animal, a toujours été considéré comme une abomination, comment fallait-il considérer celui qui poussait un enfant à verser le sang de ses parents ?

Si nous ressentons tous la douleur des familles qui ont perdu leurs enfants qui allaient à l'école, il y a quelques jours, et que cette douleur se transforme en colère face à des êtres capables de telles horreurs, alors il faut comprendre la colère des Afghans après qu'un soldat américain a tué 17 femmes et enfants, ou quand nos soldats se moquent de leurs enfants qui meurent sous les bombes devant leurs yeux, comme le montre ce reportage de France 2.

Pour se protéger, la tentation est donc grande de transformer  la religion en nationalisme religieux. Mais nous y viendrons dans le prochain message.